samedi 28 décembre 2013

Les Jokerit d'Helsinki ne sont plus les bouffons de la LNH

Contre toute attente, les Jokerit d'Helsinki ont vengé leur défaite subie en finale de la Coupe Stanley contre les mêmes Coyotes de Phoenix en les balayant en quatre parties et devenant la première équipe européenne de la LNH à gagner la Coupe Stanley. Comment une équipe qui avait battu un record de médiocrité à sa première saison dans la LNH est passée à remporter 13 parties consécutives et remporter la Coupe après seulement sept années d'existence, le tout en disputant 41 matches consécutifs sur la route? Récit incroyable d'une équipe qui a surpris tous les pronostics.

Helsinki, 28 juin 2013. Le propriétaire du Jokerit d'Helsinki, Spa Nordik, écoute à la télé la parade des champions de la Coupe Stanley, les Blackhawks de Chicago. Le téléphone sonne. New York City. Étrange... Il décroche le téléphone et d'un finlandais très moyen, il entend: "Bonjour, je suis Gary Buttman, commissaire de la LNH. Vous allez bien"? Nordik n'en croyait pas ses oreilles. "Que me vaut l'honneur de votre appel, M. Buttman"? de répondre le propriétaire d'un anglais tout aussi moyen. "Écoutez, nous venons de signer un très gros contrat de télédiffusion avec le Canada et nous voulons parler d'expansion avec vous. Je sais que vous avez signé une entente afin de joindre la KHL mais j'aimerais vous rencontrez afin de vous faire une offre".

La suite fait partie de l'histoire.

Nordik a annulé en coup de théâtre l'entente avec la KHL et ses puissants barons du pétrole afin de joindre le plus prestigieux circuit de hockey de la planète et n'a pris que sept années à remporter la Coupe Stanley, le tout en disputant la moitié de ses matches sur la route pendant 4 mois consécutifs! Pourquoi Helsinki et non pas Québec et Seattle qui cognaient à la porte depuis quelques années? "Les astres étaient alignés" de répondre du tac au tac Nordik. M. Buttman voulait faire un coup d'éclat et il savait que la Finlande était un marché intéressant avec les Selanne, Koivu et Kipprusoff qui ont connu de belles carrières dans la LNH. De plus, les millions pleuvaient avec le nouveau contrat de télé et il voulait damer le pion à la KHL qui avait pourtant déjà signé une entente avec nous". Les termes de l'entente avec Nordik et Buttman n'ont jamais été dévoilés mais des rumeurs mentionnent que tous les frais de déplacement, d'hébergement, de location d'aréna, de publicité, marketing et autres frais reliés à l'équipe ont été couverts pendant les cinq premières années de l'équipe. "Du stuff de junior" de répondre Nordik. "Disons que l'entente est donnant-donnant pour tous les intervenants". Fin de la discussion.

La recette du succès dans tout ça?

Être patient et être bien entouré. Il ne faut pas oublier que l'équipe a croulé dans les bas-fonds de la ligue pendant les 4 premières saisons. Toutefois, avec mon équipe de direction et mon DG Saku Lazoune, nous avions une vision à long terme. Nous voulions bien repêcher et signer des joueurs autonomes qui avaient été boudés par d'autres équipes mais dont nous avions une autre vision avec des statistiques non-disponibles au public (i.e. l'équivalent des Sabremetrics au baseball). Le fait d'être basé en Europe nous a donné une longueur d'avance puisque nous avions des dépisteurs dans tous les circuits du pays en débutant par le calibre Atome". Dépistage qui fût payant puisque le premier choix de l'équipe en 2014 fût Teuvo Teräväinen qui a grandi à un jet de pierre de notre aréna à Helsinki.

Quelques bons échanges et signatures ont également contribué aux succès rapides de l'équipe, dont l'échange qui a envoyé le vétéran Ladislav Smid aux Bas Rouges de Ste-Julie en retour de leur premier choix au repêchage... qui fût devenu le tout premier choix lors de l'encan 2016! Certains comparent cet échange à celui de Sam Pollock qui a permis au Canadien de repêcher Guy Lafleur en 1970. "On a été chanceux" de répondre modestement Nordik. "Je savais que Ste-Julie ne jouait pas bien et qu'Ovechkin était en baisse (surtout depuis le fameux but dans son filet lors de la demie-finale Canada-Russie lors des Jeux de Sotchi qui lui a valu un désaveu du président russe Poutine) et le tout s'est répercuté sur l'équipe qui a finie dernier. De plus il a fallu qu'elle gagne la loterie afin qu'Helsinki repêche premier ce qui lui a permis de repêcher le gardien Ben Haley qui est devenu un des éléments-clés de la conquête des Jokerit, avec Teuvo Teräväinen et du défenseur Esa Lindell, lui aussi originaire de Finlande.

Le DG de Helskinki affirme avoir beaucoup appris de ses confrères de la LNH. "Celui qui m'a inspiré le plus est Vincent Garneau des Patriotes de St-Basile. Il sait toujours retirer le maximum pour son équipe et détecter quand la valeur sera à son maximum pour un retour optimal. L'échange avec Simon Fournier des Bobos du Plateau qui incluait Crosby a transformé sa franchise et l'a rendu quasi-invincible pour les cinq premières années de notre existence." Lentement mais surement, Helsinki batissait.

Telles les valeurs scandinaves: patience, respect et vision à long terme, Nordik a bâti une équipe championne.

 Sur la glace, l'équipe est désormais redoutable. Avec un premier trio composé du vétéran Matt Moulson, Teuvo Teräväinen et de Patrick Kane, les Jokerit ne font plus rire aucune défensive du circuit Buttman. La force de l'équipe réside aussi dans la profondeur de ses autres trios avec les Nazem Kadri, le colosse Brent Burns, le centre Calvin Streit (autre premier choix de l'équipe en 2015) et le redoutable Cody Beach qui n'a perdu aucun combat depuis son arrivée avec l'équipe.

 À la défensive, Helsinki n'a rien à envier à personne avec le premier duo composé d'Esa Lindell et de Aaron Ekblad dont plusieurs comparent le jeu à celui de Nicklas Lidstrom. Le duo de Joni Pitkanen (lui aussi finlandais) et du robuste Cody Franson (champions des mises en échec depuis quelques saisons) apporte de l'offensive à l'avantage numérique. Devant le filet, Ben Haley fait partie de l'élite de la LNH et son réserviste Sergei Makarov est de loin le meilleur gardien réserviste du circuit.

 Une Coupe scandinave

Comment une équipe qui doit traverser l'océan Atlantique et disputer 41 matches consécutifs sur la route a pu remporter la Coupe Stanley en sept saisons alors que des équipes d'expansion telles St-Louis, Buffalo et Rosemont (Ice Capades) sont toujours en quête d'un premier triomphe? Nordik l'attribue à un solide esprit d'équipe et à un conditionnement physique hors-pair. L'équipe a engagé un expert en sommeil afin que les joueurs soient le moins affectés par le décalage horaire et les nombreux déplacements lors des matches sur la route. Il ne faut pas oublier que les 31 autres équipes doivent aussi traverser l'Atlantique pour jouer à Helsinki alors les forces s'équilibrent. Ceci peut expliquer pourquoi les Jokerit ont obtenu le meilleur dossier sur la route avec un dossier 28-7-6 la saison dernière.

La ville qui ressemble le plus à Helsinki? "Québec, sans aucun doute" de répondre Teravainen. "Les partisans étaient très hostiles lors de nos premiers matches car ils avaient l'impression qu'on leur avait volé l'expansion (Québec a finalement eu le retour de ses Nordiques en 2016) mais ça s'est replacé par la suite". 

La cruelle défaite en sept parties en finale de la Coupe Stanley face aux Coyotes de Phoenix la saison dernière a servi de leçon aux Jokerit. Tirant de l'arrière 0-3 dans la finale, Helskinki avait remporté les trois matches suivants pour s'incliner 2-1 lors du match ultime entre autres grâce à une performance de 38 arrêts du gardien Mark Vinsentin qui avait remporté le Conn Smythe. "On a tous pleuré dans le vestiaire après la rencontre mais on s'est dit qu'on allait revenir" mentionne le gardien Ben Haley après l'entraînement matinal de l'équipe.

Les joueurs ont tenu parole, répétant l'exploit que les Penguins de Pittsburgh et les Red Wings ont fait il y a une dizaine d'années, soit de s'affronter deux années consécutives en finale. Et dans les deux cas, les équipes se sont partagés la Coupe Stanley. La séquence de 13 victoires consécutives en séries sera probablement jamais inégalée. "On disait ça aussi quand les Canadiens ont remporté 10 matches de suite en prolongation" mentionne Kane avec un sourire... "Mais on l'a fait. Et en temps règlementaire en plus"!

Comme tout championnat qui se mérite, il y a eu un des moments difficiles.

Selon Lindell, le passage dans le vestiaire d'un célèbre finlandais avant la prolongation du cinquième match contre Détroit a fait la différence. "Il s'agissait de notre première série et nous étions nerveux.  C'était 2-2 pour Détroit et un but de leur part nous mettait dans le trouble." On savait qu'on avait une bonne équipe mais on ne se faisait pas confiance. C'est alors qu'à la surprise de tous (sauf de Nordik qui l'avait invité à l'insu des joueurs) Saku Koivu ouvre la porte du vestiaire. Quel a été son message? "Très simple", selon Moulson. "Je n'ai jamais gagné de Coupe Stanley mais j'ai gagné le combat le plus important, celui contre le cancer". Les joueurs étaient sans mots. Il a fallu que le dur à cuire de l'équipe (Cody Beach) fracasse un bâton au centre du vestiaire pour que l'équipe entre sur la glace, galvanisés comme du roc finlandais. On connait la suite: le but en troisième période de prolongation de Moulson a pavé la voie à une incroyable séquence de treize victoires de suite, ce qui inclut des balayages contre les Rangers de New York, les Maple Leafs de Toronto et bien sur, les Coyotes de Phoenix en finale. "On était dans une autre bulle, un peu comme Halak en 2010" de dire Pitkanen qui avait tout l'appui de son pays et même d'un continent derrière lui.

 Revoyez les derniers instants du quatrième match Helsinki-Phoenix et les célébrations de la première Coupe Stanley européenne:  

 Le brio de Teravainen a également fait la différence, auteur de 23 points en 20 matches. Ce dernier est devenu un véritable héros national lorsqu'il a transporté l'équipe finlandaise en finale contre le Canada lors des Jeux Olympiques de 2018 à Pyeongchang en Corée du sud. Son but en fusillade contre leurs éternels rivaux suédois l'a rendu célèbre mondialement. "Teuvo est le nouveau Crosby"! de rétorquer fièrement Nordik. "Il est coté 96 sur le jeu NHL 20 sur la console PlayStation Five et il est le meilleur vendeur de chandails dans toute la LNH". Jusqu'à présent les statistiques semblent lui donner raison. De plus, il va porter le chandail des Jokerit pour les huit prochaines saisons puisqu'il vient de parapher un nouveau contrat qui lui donnera un salaire moyen de 12 millions par saison, le maximum permis par la convention collective.


 Quel est l'avenir des Jokerit? Très positif si on en juge le début de la saison suivant la conquête de la Coupe. L'équipe joue à guichets fermés depuis 4 saisons, Teravainen a 33 points en 32 matches et Helskinki est au quatrième rang de la ligue. Le pari de Buttman est réussi et cette expansion européenne donne des ailes aux candidatures des Zombies de la Petite-Patrie qui évoluent depuis 7 saisons dans un aréna ultra-moderne dotés de nombreuses loges corporatives et aux Jets de St-Hubert qui présentent année après année des équipes aspirantes aux grands honneurs.

Les Jokerit d'Helsinki sont maintenant dans la cour des grands.

 Et non dans la cour du Roi à faire les bouffons.